Tous ces bébés
Autour de moi, il y a des bébés.
Des femmes enceintes.
Des petits enfants.
Des jeunes parents.
Beaucoup, beaucoup.
J'ai encore pas mal d'amis qui n'ont pas d'enfants, mais c'est vraiment LA mode du moment. C'est l'âge, en fait.
Et encore une fois, je me heurte à la norme. Je suis dedans, LeTigre et moi y sommes entrés in extremis mais on aurait tout aussi bien pu ne pas y entrer. Rester sur le carreau.
A chaque nouvelle annonce de grossesse ou de naissance, j'ai mal à mon ancien-moi.
J'y pense toujours. A chaque fois. Je suis heureuse pour la personne, souvent très émue si c'est quelqu'un de proche, lorsqu'une copine me dit "j'ai quelque chose à t'annoncer", je me dis avec un petit frisson d'excitation "elle est enceinte ! chouette !" et pourtant, à chaque fois, je pense "et si". Et si ça n'avait pas marché pour nous.... Je serais là, triste, aigrie, avec ce manque enfoui au creux de mon ventre, cette incapacité, cette tare. Car non, ce n'est pas une tare de ne pas avoir d'enfant mais oui, c'est vécu comme une tare.
On se dit "je ne suis pas capable" ou "nous ne sommes pas capables". On se sent différent.
Aujourd'hui, on est souvent invités, ou on reçoit chez nous, des couples d'amis avec un ou plusieurs petits enfants. Et c'est plutôt sympa, parce qu'on a ça en commun. Mais si on n'avait pas d'enfant, ce serait horrible. On serait le seul couple sans enfant dans notre entourage, et on se sentirait à côté de la plaque. D'ailleurs je l'ai senti, avec quelques amis (pas tous heureusement) : le fait d'avoir eu mon Potam m'a rapproché de certains couples. Comme si, tout d'un coup, je faisais partie de leur "clan". Comme si, enfin, je pouvais m'intégrer. Comme si le monde des parents était une communauté et qu'on ne pouvait pas partager avec un couple avec enfant, parce qu'on était "différents".
Je sais que ce n'est pas conscient chez les gens. Mais c'est comme ça. Ils n'y peuvent rien peut-être, ne font pas attention, ne se rendent pas compte, mais le jour où j'ai annoncé ma grossesse à certains, c'est comme si j'avais obtenu un diplôme...
Ca m'a mise mal à l'aise. Et ça me met toujours mal à l'aise. Et aujourd'hui, quand je suis avec un couple sans enfant ou avec des amis célibataires, j'y pense. Je fais attention à ne pas parler que de maternité. A sentir la différence entre un réel intérêt et un intérêt feint par politesse. A rester la même. Avec une vie un peu différente certes, mais la même. Parler des mêmes choses, rigoler des mêmes choses.
Bien sûr, avec mes copines qui ont des enfants d'un âge proche de Potam, je discute maternité. Et j'aime bien ça. Mais c'est normal, on partage ce qu'on vit, on partage nos doutes, nos angoisses, nos joies, nos questions.
Mais cette "communauté" des parents, des jeunes mamans surtout, elle me met un peu mal à l'aise. Comme si je n'avais pas vraiment envie d'en faire partie, par respect pour celle que j'aurais pu être si je n'avais pas pu en avoir, et par respect pour ceux qui ne peuvent pas.
Le discours de certains parents (parmi mes collègues certains sont comme ça) est vraiment désagréable, car ils parlent à ceux qui n'ont pas d'enfant avec un ton condescendant comme s'ils disaient "de toutes façons, tu ne peux pas comprendre. MOI, je sais comment ça se passe, je sais ce que c'est qu'avoir des enfants". Ca m'énerve.
Si je n'avais pas Potam dans ma vie, cette multitude de bébés et de femmes enceintes dans mon entourage aurait vraiment été insupportable. Je ne sais pas comment j'aurais réagi. Je crois que je me serais vraiment renfermée sur moi-même. Je n'aurais pas pu continuer à faire semblant de m'intéresser à mes amis, de les voir progresser, devenir parents sous mes yeux, faire des câlins à leurs petits, faire le deuxième, parfois le troisième alors que moi j'en serais toujours à zéro.
Je mesure le miracle qui s'est produit en janvier 2011.
Je crois que j'aurais pu vivre sans enfant. Je m'y serais faite. Je commençais déjà à accepter cette idée comme une possibilité avec laquelle vivre. Mais je n'aurais plus eu les mêmes amis. Je n'aurais pas pu continuer à être "la seule", "la pauvre, qui ne peut pas". Me soustraire à ces regards de pitié, à ces regards plein de compassion mais surtout d'incompréhension.
C'est dur, de ne pas être dans la norme.