Trip commun
Le Potam et moi, on est connectés.
Il est, comme moi, très expressif, très sensible et doté d'une grande intuition. Il sent les choses, il comprend les liens entre les choses (oui bon moi aussi hein, mais à 33 ans il serait temps).
Du coup, je le comprends mieux que personne. Je sais ce qu'il veut me dire, je sais ce qu'il ressent ou à peu près, je comprends ses besoins, j'anticipe ses crises.
Et parfois, on se tape des délirs communs. Juste tous les deux. Genre LeTigre, il nous regarde comme si on était des extraterrestres.
Quand il est fatigué et énervé le soir, il a besoin de se défouler, alors je lui donne des occasions de le faire dans le rire plutôt que dans l'énervement. Et quand il commence à crier, je me mets sur la même tonalité que lui et joins ma voix à la sienne. Les premiers temps, il me regardait, interloqué, et en oubliait de crier. Puis il a compris qu'on pouvait faire "une chorale" tous les deux et on joue à ça pendant 10 minutes. La règle du jeu : c'est lui le chef d'orchestre, il commence un hurlement (avec un sourire immense ou un regard concentré, c'est rigolo), sur un autre ton à chaque fois, en laissant un temps différent entre chaque et moi je dois faire comme lui. Même sonorité, même durée, même intensité. On rigole bien. Par contre vaut mieux pas se retrouver dans la même pièce que nous à ce moment-là.
Ce soir, ça a été double séance défoule.
D'abord, je l'ai emmené avec moi aux toilettes, assis sur le carrelage devant les magazines. Il adore. Il fout le bronx dans tous les magazines, se fait plaiz et je le laisse faire. Il les prend les uns après les autres et réserve un sort différent à chacun : certains se font direct déchirer dans un immense fracas de papier, d'autres volent dans le couloir, d'autres encore ont l'immense privilège d'être lus un instant, posés gentiment au sol, puis soulevés à nouveau et plaqués au sol avec un grand cri de karatéka. Il s'éclate. Moi je le regarde en faisant ma petite affaire, et reste exprès plus longuement que nécessaire car je me régale à le regarder.
Ce soir, je me suis jointe à lui et on a engueulé ensemble les magazines. Fou-rire garantis. Déchirage, jetage, engueulage. Le kiffe.
Puis sur la table à langer juste après, je me suis penchée sur lui pour lui faire des papouilles, et des bisous sur les joues. Enervé, il m'a dit "Yayaya !" (ou peut-être "Gagaga") et m'a repoussée ! Alors je l'ai imité mais en remplaçant ses gaga yaya par des vrais mots pour lui montrer. J'ai dit "tu ne veux pas de bisous ? Tu repousses maman ? Je vais te montrer comment il faut faire, regarde." Et puis avec de grands gestes et des mimiques évocatrices, j'ai dit bien fort "NON ! Pas de bisous ! Pousse-toi ! Tu m'énerve !" Puis je répétais "Pousse toi !" avec le geste qu'il avait fait. Il me regardait hilare en ayant trop envie de faire pareil et en imitant mais ça donnait un truc du genre "zazaz !" (presque pareil, quoi). Gros fou-rire dès que j'ouvrais la bouche, avant même que je prononce un son !
C'était boooooooooooooon !
Résultat, on a transformé ses besoins de cris en rire au lieu de finir en crise moi sur les nerfs et lui en pleurs. Et puis moi aussi ça m'a fait du bien finalement, de me défouler et de partager ce moment avec lui, voir ses grands yeux subjugués ne pas quitter les miens.