"L'enfer, c'est les autres"
Epuisée.
Avons encore couru les magasins de déco aujourd'hui. On a trouvé de jolies choses pour mettre des petites touches de couleur dans notre salon. Je suis bien contente.
Demain je retourne chez ma psy. Je ne sais pas ce que je vais lui dire. La première fois c'est facile : on dit pourquoi on vient, ce qu'on attend, ce qu'on recherche, et puis on enchaîne sur deux ou trois trucs. Là, je ne sais pas...
En fait j'ai peur de me prendre trop la tête en allant chez la psy régulièrement. Je suis fatiguée de me poser des questions sur tout, tout le temps. Mon cerveau ne connaît pas le repos, et ça ne s'arrangera pas en allant remuer des choses.
Pourtant je sais que j'en ai besoin, d'ailleurs à mon avis tous les gens comme moi qui se posent beaucoup de questions en auraient besoin.
J'en ai marre que plein de gens soient au courant de ce qu'on vit. C'est vraiment une partie de notre vie vraiment intime, et en même temps c'est lié à notre vie sociale. Forcément, quand on parle aux gens, ceux qu'on connaît ou non, la question des enfants est une des premières qui vient dans la conversation. Alors faut bien répondre quelque chose.
J'en ai parlé à beaucoup de mes proches, et parfois je regrette. C'est une façon de leur faire partager ce que je vis, c'est bien, mais ça m'enferme vraiment dans une case. Pour les autres, je suis celle qui n'arrive pas à faire d'enfant. D'ailleurs que ce soit dans ma famille ou parmi mes copines, je suis la seule (je mets ma soeur à part car elle a déjà une fille et la famille ne se pose pas trop la question du deuxième donc personne ne sait à part mes parents et moi).
J'en ai marre que quand mes copines demandent de mes nouvelles, la première phrase est "alors vous en êtes où côté bébé ?" ou alors c'est sous-entendu... Je ne vis pas que pour ça. Je ne SUIS pas que ça. Quand je dis aux gens que je fais des trucs, que je parle de mes projets ou de mes vacances, on me dit "c'est bien d'avoir des projets, ça va te faire penser à autre chose" sous-entendu peut-être que si j'occupe mon esprit je vais tomber enceinte. Et les autres gens qui ont des projets aussi, on les fait chier comme ça ???? Ce sont les mêmes qui me disent que je fais une fixation. Mais la société ENTIERE m'attend au tournant ! Je me sens prise au piège par la société, par les gens, par mon entourage, je ne suis plus moi-même, je n'existe plus pour moi, pour ce que je suis.
Heureusement, moi, je sais qui je suis et je sais aussi que tout ce que je fais dans la vie, je ne le fais pas pour oublier que je suis infertile. Non, je le fais parce que j'ai ENVIE ! Et même parfois, je me dis que si je n'avais jamais d'enfant, j'aurai le temps de faire un peu plus de choses parmi toutes celles que je voudrais faire.
Demain soir, je vais à une soirée, un anniversaire d'un couple d'amis très proches. Dans le groupe, il y a celui qui avait été super lourd juste avant noël en me demandant si j'avais quelque chose à annoncer. Il avait du mal à me croire quand je lui disais que non. Je suis sure qu'il va revenir à la charge, et j'appréhende. Les autres vont regarder mes réactions, regarder si je bois de l'alccol.
J'en ai tellement marre. Je voudrais que tout ça s'arrête. C'est pas l'infertilité qui est insupportable certains jours, c'est les autres. Je voudrais pouvoir profiter d'une soirée avec des potes sympa, tout simplement. Je suis peut-être mauvaise langue, on verra. Peut-être que je n'aurai aucune remarque.
Je ressens une énorme pression de la société toute entière. Mes copines qui ont des enfants, ma famille, mes collègues, même mes voisins attendent qu'on fasse des gosses. J'ai envie d'hurler à la terre entière de me laisser tranquille, que c'est MA vie, MON corps, MES décisions et si on n'a pas d'enfant ça ne regarde personne ! Que ce soit parce qu'on ne veut pas ou qu'on ne peut pas, ça ne les regarde pas ! JE LES EMMERDE !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
J'ai fait un rêve l'autre jour à ce sujet. C'était bizarre. Il y avait une salle sombre, où les gens étaient de dos. Ceux qui étaient dans cette salle, c'étaient des gens de mon entourage, des collègues. Ils étaient deux mais ils changeaient. Chaque jour c'était quelqu'un d'autre. Ils délivraient des petits papiers, des sortes de laisser-passer où était écrit le droit d'avoir un enfant. Une sorte de sésame, un truc que beaucoup de filles voulaient, bien sûr. Moi, j'y allais tous les jours, tenter ma chance. Chaque fois, ces collègues qui jouaient les juges et les dieux en même temps, me regardaient avec mépris en me refusant le fameux papier. Un jour, j'ai remarqué dans la salle que les enfants attendaient leur "propriétaire". Il y avait une petite fille pour moi. Une petite filles de 9 mois à un an, je ne sais pas. Et un autre jour, j'en ai eu ras le bol, je me suis énervée. J'ai hurlé, crié, je pétais les plombs, je leur disais "c'est pas juste ! c'est ignoble ce que vous faites ! vous avez pas le droit ! Ca vous regarde pas, c'est MA vie ! C'est MOI qui décide ! vous ne POUVEZ pas me refuser ce papier !" et ça marchait, une des juges-collègues m'a souri, genre elle attendait cette réaction depuis longtemps, et elle me tend à la fois le petit papier où était écrit en gros ENCEINTE, puis la petite fille. Je repars, la petite dans les bras.
Ensuite, c'était doux, bon, un bonheur indescriptible de sentir le petit corps chaud dans mes bras, elle se blotissait contre moi comme pour ne plus jamais me quitter. Je lui disais "ça y est, c'est fini, je suis là, on va rester ensemble maintenant, ne t'inquiète pas". Et puis on a rejoint LeTigre et, des larmes plein les yeux, j'ai dit à la fillette : "regarde, c'est ton papa"... Lui, il était tout ému, regardait la petite et m'a dit d'un coup "mais qu'est-ce qu'on a fait ? On a tout raté....".
Alors, la question dans ce rêve, c'est : pourquoi je n'associe pas LeTigre à la conception de l'enfant ??? Je suis seule face à la société et lui, il attend patiemment, ailleurs. Et ça c'est vrai : face à l'attente on est pas égaux tous les deux. J'ai l'impression de gérer seule cette pression des autres.
Et pourquoi cette réaction du Tigre ? A côté de quoi j'ai l'impression de passer ?