Y a un problème

Mes parents sont chez nous.

Nous sommes donc cinq, Potam y compris, dans 65 m².

Il n'y a pas de heurt, pas de tension, pas d'engueulade, nous passons de bons moments, nous faisons des balades en bord de mer, mes parents regardent même le prix de l'immobilier pour leur retraite.

Tout va bien, donc.

Oui, mais non.

Moi, je me sens mal, et je ne sais pas pourquoi. J'aime l'idée qu'ils soient là, j'aime qu'ils viennent me voir, j'ai envie qu'ils soient bien, on mange bien, on picole un peu, et pourtant, quelque chose en moi n'est pas du tout à l'aise.

Je me sens oppressée, comme s'ils violaient mon intimité. Ils posent (et c'est normal !) plein de questions sur la maison qu'on voudrait, le boulot, s'arrêtent devant chaque maison lorsqu'on est en balade en demandant "et celle-ci ?", et moi ça me gave.

J'ai longtemps été la petite fille à ses parents, j'ai très longtemps fait semblant, je les appelais souvent pour discuter, et maintenant je prends mes distances. Psychologiquement et physiquement.

C'est normal, peut-être...

L'âge, l'expérience, le fait que j'aie maintenant ma vie, ma famille, mon fils, je vis comme une intrusion qu'ils vivent quelques jours chez moi, qu'ils veuillent tout savoir.

En fait, c'est plutôt mon père. Je n'ai jamais eu beaucoup d'affection pour lui, pas d'élan de tendresse, aucun geste physique. Lui faire la bise pour lui dire bonjour est le seul contact physique que je tolère, et encore, je prends sur moi. Je n'aime pas ses idées, je n'aime pas sa façon de vivre, ni sa façon de parler aux gens. Je n'aime pas son besoin de créer des débats sur des sujets éculés, ni sa manie d'exposer sa science en se croyant plus intelligent que tout le monde juste parce qu'il a le temps d'écouter la radio et d'éplucher les journaux. Je n'aime pas son intolérance et son désintérêt pour les gens, ni la façon qu'il a de ne jamais écouter personne, sauf lui. Il s'écoute parler, et ne tient pas compte des autres. Il a besoin de son confort, son lit, son oreiller, son canapé, ailleurs ça va pas, il a mal au dos, il se plaint tout le temps.

Je pourrais en écrire encore long comme ça.

C'est peut-être dur à dire (et à lire) mais c'est comme ça, un état de fait : s'il n'était pas mon père, je le détesterais... C'est exactement le genre de personnes étriquées et intolérantes dont je ne supporte pas la compagnie. Comme c'est mon père et que j'ai malgré tout de la tendresse pour lui, je prends sur moi (beaucoup), souris à ses blagues débiles et réponds un peu lorsqu'il entame de grands débats stériles...

Souvent, je me suis demandée comment ma mère pouvait le supporter depuis si longtemps.

On ne peut pas faire quelque chose à côté de lui sans qu'il demande ce qu'on fait, ce qu'on lit, ce qu'on écrit, ce qu'on regarde, ce qu'on fait à manger. Il m'étouffe. Il est là, au centre, et tout le monde organise la journée pour qu'il se sente bien.

Malgré tout, ça ne se passe pas mal. On ne s'est pas engueulés, on fait de belles balades, il a l'air content, ma mère aussi.

Mais n'empêche, je trouve ça très difficile de partager le quotidien. Peut-être, et surtout, dans une toute petite maison. Il faudrait plus d'espace et des moments où chacun fait sa vie. Là, après le repas, pendant que Potam fait sa sieste, on est assis côte à côte dans le canapé et les fauteuils et ça m'oppresse. J'aimerais être seule, j'aimerais avoir de l'espace, j'aimerais pouvoir ne pas être épiée, qu'on ne parle pas derrière mon dos.

Hier, on a mangé au resto à midi. C'était sympa, Potam était sage, ma mère n'a rien mangé elle était à 100% dispo pour Potam, soit. Elle n'était pas vraiment avec nous, mais en même temps on a pu manger tranquilles pendant qu'elle gérait Potam et c'est plutôt agréable. Après le repas, je suis allée aux toilettes, et j'ai emmené Potam. En revenant m'asseoir, j'ai surpris la fin de la conversation, ils parlaient de moi. Et ça me gave. Les parents bien fiers de leur fille. Ca me met hors de moi. Je n'ai plus 18 ans, ça me saoule de les voir m'observer et juger. Je ne sais pas pourquoi ça me met dans cet état-là. J'aimerais qu'on ait des rapports plus simples, mais peut-être est-ce que c'est moi qui complique tout ???

Le Tigre me connaît bien, note mes réactions et à son regard je sais qu'il comprend ce que je pense. Et je le vois énervé de me voir agacée. Et je me demande aussi pourquoi je ne prends pas simplement les choses comme elles viennent, pourquoi tout ce qu'ils font m'énerve. Pourquoi je réagis au quart de tour quand l'un ou l'autre se penche par-dessus mon épaule pour regarder ce que je fais à l'ordi.

Dans notre famille, j'ai toujours été mal à l'aise quand on est tous ensemble. Trop de partage, trop de transparence, pas assez de tolérance et de "laisser-vivre". C'est fou d'écrire "trop de partage", c'est une chance d'avoir une famille unie. Mais moi, ça m'oppresse. J'ai besoin d'intimité, j'ai besoin d'espace, j'ai besoin d'air.

Dans l'idéal j'adorerais qu'ils habitent près de chez nous, qu'on les voie pour un repas, un café, souvent même, mais vivre ensemble c'est trop difficile. Ou alors vivre ensemble dans une grande maison pour qu'il y ait de l'entr'aide et pas de solitude, quand ils vont vieillir par exemple, mais avec des coins bien délimités, chacun son espace, chacun son quotidien et on se retrouverait seulement lorsqu'on en aurait besoin.

Trop de contact, trop de promiscuité, trop d'ingérence.

Laissez-moi respirer...

Comments

[wasp26]

Je viens de découvrir ton blog, que j'aime beaucoup.

Moi non plus je ne supporte plus mon père. J'ai peur qu'on finisse par ne plus se parler du tout. Il est imatient et ne supporte plus rien ni personne. Il critique toujours tout, ses gout sont forcement mieux que ceux des autres. Il sort des trucs debile qui n'ont aucun sens. Dire que quand j'etais petite il m'engueuler parce que j'oubliais d'eteindre les lumières et lui maintenant les laisse allumer et sa ne le derange absolument pas. La TV reste allumer toute la journée, il ne peut pas rester dans une pièce sans la TV à fond, il claque les portes et les placards. Il dit des choses qui me choque, du style "je n'ai plus de famille" sa veut dire quoi, que moi je ne suis pas sa famille, et ma mère et mes frères non plus ? Il dit des choses quelques fois que je trouve tres insultantes pour moi et ma mère. Je ne le comprend plus du tout, je ne le supporte plus. Effectivement c'est mon père je n'ai pas le droit de le detester mais s'il n'etait pa smon père je le haïrais. En vieillissant il devient de pire en pire et commence à avoir le comportement d'un enfant de 4 ans. Je ne sais pas combien de temps cela va durer mais j'ai peur qu'entre lui et moi quelques choses se soit casser et pour toujours.

[Laurette]

Ton billet me parle aussi beaucoup. Mes parents n'ont jamais eu aucune notion d'intimité, j'ai grandi dans cette ambiance où tout concerne tout le monde, "on parle de tout", se positionnant comme des parents-copains, dans une soit-disant tolérance... Alors qu'en fait, il n'en était rien. Derrière tout ça, il y avait des parents qui s'immiscaient dans nos vies au point que plus rien ne nous appartenait vraiment, qui voulaient tout savoir sur tout, et ne supportaient pas que nous ayons notre jardin secret. C'est pas pour rien qu'on part à 18 ans de chez soi hein... Aujourd'hui j'ai coupé les ponts avec mon père, et ce n'est que très récemment que j'arrive à être vraiment à l'aise avec ma mère lorsqu'elle vient passer plusieurs jours à la maison. On en a beaucoup parlé, j'ai pu lui dire ce qui avait été insupportable pour moi dans cette situation, et même si elle se défend de pas mal de choses, elle a beaucoup évolué. Je sais que parfois, elle bave d'envie de savoir certaines choses, et que ça lui coûte de s'empêcher de me questionner. Mais elle sait que si je me sens intrusée, je me referme comme une huître, alors elle prend sur elle. Et du coup, j'arrive mieux à aller vers elle, et je découvre à mon tour que c'est chouette de pouvoir parler à sa mère. Pour son anniversaire, on a même été passer une journée rien que toutes les deux en spa, le truc qui aurait été impossible il y a peu !



Bref, tout ça pour dire que ça peut évoluer vers du mieux, mais pour ça, il faut que tes parents aient conscience de ce qui te dérange... (ta maman surtout puisque le dialogue semble compliqué avec ton papa)



Gros bisous ma Flo, et courage pour ces quelques jours !

[Mimie]

Tout comme Gigi, ton clash avec le Tigre ne doit pas être étranger à ce malaise... Je comprends mieux maintenant ce que tu m'écrivais tout à l'heure !

Dis donc, cette maison de 220 m², c'est peut-être pas une si mauvaise idée, finalement ? (ah oui, zut, elle est à 10 min de la mer...)

Pourquoi vous ne feriez pas construire une maison avec une possibilité d'agrandissement attenant pour plus tard ?



Je te comprends quand tu dis que tu ne supportes pas tes parents. Mes beaux-parents étaient tellement étouffants avec nous qu'ils prenaient notre maison pour leur résidence secondaire, allant même jusqu'à s'inviter quand ils savaient que untel (un de leurs amis) venaient voir notre bébé ; ou ils ne frappaient plus pour entrer, considérant sans doute que j'avais entendu leur voiture... J'ai dû mettre le holà pour, moi aussi, moins partager notre intimité... protéger son couple et sa famille est instinctif...

Courage ma Belle, ils ne restent que quelques jours, et ensuite ils te laisseront retrouver ta tranquillité... En attendant, bon courage !

Et je t'envoie plein d'ondes positives (et trempées ;) ) de Bretagne !!

[GiGi]

C'est "marrant", c'est pas l'impression que donne ton papa quand on le rencontre.



Tu supportes peut-être encore moins cette "intrusion" dans ta vie en ce moment à cause du récent clash avec le Tigre. Normal que tu sois à fleur de peau, même si ça va mieux entre vous, tu aurais peut-être préféré être seule avec ton chéri et ton Potam pour vos vacances...



Ils restent encore longtemps ?



Courage ma poulette, gros bisous