Ambivalence
Il reste 17 jours.
17 jours avant le terme théorique.
C'est dingue.
Je suis partagée entre l'envie de partir à la maternité là tout de suite pour avoir enfin mon fils dans mes bras, et une impression bizarre de devoir attendre encore. Je ne sais pas pourquoi, mais je ne le sens pas prêt. Je crois qu'il a envie de rester dans sa ptite piscine bien trop étroite maintenant, pour encore un ptit moment.
Je n'ai pas trop de stress, on est prêts. Prêts psychologiquement, prêts matériellement, sa chambre l'attend je me dis même que j'ai mis les draps trop tôt et qu'ils vont prendre la poussière, alors j'ai recouvert le berceau avec deux petites couvertures, jusqu'en haut.
Cette nuit je n'ai pas dormi jusqu'à 4h (couchée peu avant 1h). J'étais mal. Mal aux jambes, remontées acides (j'ai la chance de ne pas en avoir très souvent mais qu'est-ce que ça fait mal ! qu'est-ce que c'est désagréable !), incapable de fermer les yeux. Je suis descendue sur le canap, pour une fois LeTigre ne s'est même pas réveillé. Ce matin je l'ai entendu se lever et se préparer (il travaille aujourd'hui) dans un demi sommeil, puis j'ai rejoint mon lit et redormi jusqu'à midi. Ca fait du bien...
N'empêche que cette nuit, je me suis dit "vivement que ce soit fini, que je puisse me tourner sur le ventre, sur le dos, étendre mes jambes". Etre toute seule dans mon corps.
Parce que bien sûr, c'est vraiment magique de sentir ce petit bébé gigoter dans mon bide, mais faut pas se leurrer, partager un corps pendant 9 mois, c'est long... Bientôt je serai toute à lui, entièrement disponible jour et nuit, je ne dormirai sûrement pas plus (et même beaucoup moins !) mais au moins, je serai seule dans mon corps. Pouvoir bouger, se tourner, se relever sans mettre 10 minutes, pouvoir mettre mes chaussettes et ma culotte sans me contorsionner et avoir mal au ventre...
J'ai rêvé d'être enceinte.
J'ai adoré être enceinte.
J'en ai profité.
Chaque jour je me suis dit que c'était une explosion de bonheur et de sensations.
Mais là, alors que la fin approche, je suis contente à l'idée d'être bientôt libérée dans mon corps.
Peut-être serai-je nostalgique, un jour prochain, de cet état de grâce. De ne plus porter la vie. Mais la vie, je l'aurai construite, cette petite vie, elle sera avec moi, avec nous et nous commencerons une vie de famille.
Petit Tigrou pense peut-être la même chose que moi : il commence à être un peu trop grand pour mon pauvre uterus qui ne peut pas lui offrir plus de place. Il est temps que cette fusion prenne fin. Qu'il prenne son autonomie, sa première inspiration, qu'il découvre le monde et que mon corps puisse se remettre de ces 9 mois magiques mais éprouvants.
Pourtant, je sais que quand je le sentirai tout prêt à sortir, quelques minutes avant, je me dirai "ça y est, ça ne sera plus jamais comme avant, il ne sera plus jamais en moi, je ne vais plus ressentir le moindre de ses mouvements".
Mon tout-petit. Pour l'instant, il est tout à moi. Même le papa se sent encore un peu étranger. C'est LUI et MOI, personne d'autre. Bientôt, il sera lui-même. Autonome. Il va grandir. Un jour ce sera un ado qui nous dira qu'il nous déteste et qu'on est trop lourds et qu'il veut se casser de la maison. Ca va me déchirer le coeur, mais c'est la vie. J'ai fait pareil avec mes parents sans jamais penser vraiment consciemment qu'un jour, ma mère m'a portée dans son corps...
Souvent, en ce moment, alors que sa naissance est imminente, je me pose la question : "pourquoi on fait un enfant ?" C'est tellement difficile de répondre sincèrement à cette question. Bien sûr, j'ai mes réponses, j'y ai souvent réfléchi. Cette envie de transmettre, d'apprendre, d'accompagner un petit être, de l'aider à grandir. D'avoir une famille pour partager. De concrétiser l'amour que nous nous portons, LeTigre et moi. De donner à une troisième personne le meilleur de nous.
Mais c'est de l'instinct aussi. Une envie irrépressible dans notre corps de femme, de fabriquer et porter la vie.
Parfois je doute d'être capable de donner tout ce qu'il faut à cet enfant. Et puis, je me raisonne. Je sais bien que d'autres y arrivent très bien, et que je ne suis pas moins capable que quelqu'un d'autre.
Mais à la veille de la naissance, je réalise à quel point "envie d'être enceinte" et "envie d'un enfant" sont deux choses différentes. La grossesse, c'est merveilleux, et j'avais vraiment TRES envie de la vivre. Mais "faire un enfant", c'est pour la vie. Ca change tout. Bien sûr que j'en étais consciente dès le début, bien sûr que j'en ai envie, je suis même tellement impatiente... mais faut bien le dire, c'est vraiment flippant aussi...