Il était une fois, un petit garçon qui s'appelait Potam.
Potam a un peu plus de trois ans et demi et est toujours aussi extrême.
Il y a quelques semaines/mois (je ne sais plus, ça n'a pas duré assez longtemps...), il était devenu un petit garçon apaisé, plus calme, avec toujours mille de tension mais qui gérait un peu mieux ses émotions, qui obéissait de plus en plus, et j'avais eu quelques fugaces moments d'espoir d'accalmie. Malheureusement les difficultés sont revenues de plus belle...
Pour vous faire comprendre l'étendue du problème, il faut que je commence par ce qui est beau, ce qui se passe bien, avec lui. Pour vous expliquer pourquoi je ne l'ai pas encore vendu ou abandonné... (eh oh c'est bon je rigole...).
Potam est un être émotif et sensible, plein d'attention et d'empathie, intelligent et vif. Il aime découvrir plein de choses, il est en symbiose avec la nature qu'il aime, qu'il respecte. Il voit la beauté du monde, les nuages, les fleurs, et est pleinement épanoui lorsqu'il est connecté avec la nature. Par exemple, en maillot, courant sur le sable mouillé de la marée basse, les pieds dans les vagues qui le rattrapent. Là, il est vraiment lui-même, heureux, apaisé, tranquille. Il peut s'amuser seul, s'allonge pour sentir l'eau fraîche sur son ventre, ou encore lorsqu'il s'allonge au milieu des fleurs que la tondeuse n'a pas encore coupées.
Il est câlin, il est tactile (mais pas depuis longtemps), il a une fine perception des choses et des gens, il est charmeur, il est beau (oui oui il est beau je suis très objective !), et dans ses bons jours il est à croquer.
Mais en ce moment, il m'épuise. Il nous épuise. Je suis obligée sans cesse de me justifier auprès du Tigre et auprès de moi-même : "mais je l'aime autant que bébé Koala hein, mais j'en peux plus !". Avec lui, c'est l'amour-haine, c'est je t'aime-moi non plus. Un coup adorable, un coup insupportable.
Depuis quelques semaines, c'est devenu vraiment difficile. Pourtant (j'en vois venir certaines) on n'est pas dans le genre laxistes. On met des barrières, un cadre strict, il sait exactement ce qu'il a le droit ou pas le droit de faire, on ne lâche rien (ou alors des détails), et ça ne suffit pas. Bien sûr, on finit toujours pas régler les crises, par obtenir ce qu'on veut. Mais là où c'est épuisant, c'est qu'on est TOUJOURS dans la lutte. Pour tout. Toute la journée.
Un exemple parmi plein d'autres : il doit aller faire sa sieste. Je lutte pour l'emmener dans sa chambre (il court se cacher dans une autre chambre), je lutte pour lui dire de monter dans son lit (il part jouer, il me dit non, il va sous son lit), quand je finis par hausser le ton il y va, je lui dis d'enlever son pantalon il me dit non, il fait des galipettes sur son lit, etc...
Pour tout.
On dirait qu'il a besoin, sans cesse, de se heurter aux limites pour se rassurer. Alors il faut tenir bon. Essayer de se faire obéir sans crier (ça c'est moins facile car il n'obéit jamais à la première ou deuxième demande), essayer de trouver les trucs qui marchent, les mots qui font écho, les gestes qui l'apaisent.
Ses joies sont extrêmes, ses colères sont extrêmes, tous ses sentiments sont au-delà de tous les mots que je pourrais trouver. Alors, souvent, il est dépassé. Sans compter la jalousie envers son petit frère qui continue, même s'il commence à percevoir comme ça va être sympa bientôt d'avoir un compagnon de jeux (maintenant que bébé Koala se déplace de plus en plus vite, ils rigolent bien tous les deux). Il me veut pour lui tout seul, et il est hyper exigeant. Je passe ma journée à le remettre en place. Il veut tout, tout de suite, ne supporte pas que je sois un peu vague dans une de mes réponses, ne supporte pas d'attendre 5 minutes quand il a faim.
Il parle tout le temps. Mais tout le temps, chaque seconde, sauf quand il dort. Rien de grave là-dedans, sauf que ça contribue au niveau sonore quotidien et à la fatigue. Il ne s'arrête jamais. Tout à l'heure, en chuchotant, crevée après une matinée à m'occuper des deux, je lui dis "Potam, viens voir (il m'écoute, surpris par mon chuchotement. Sinon je peux toujours courir pour obtenir son attention). Est-ce que tu penses que c'est possible de ne pas parler tout le temps ? De te taire un peu ? Ou de parler moins fort ? Tu comprends que c'est fatigant ?". Ce à quoi il répond "oui, maman". Bien. Contente de moi, je l'asseois à table. Il parle. Il raconte tout ce qu'il voit demande mille choses, chante, commente le moindre de mes gestes. Je le remets en place. Je lui dis de manger et de se taire. Je dis "chuuuut" tout doucement. Je joue au roi du silence (il aime tellement ce jeu qu'il se marre bruyamment au milieu ! perdu !). Rien n'y fait.
Pendant qu'il mange, il faut que je lui explique comment on referme le sachet de fromage rapé. Il faut que je lui explique quel jour on est. Et ce qu'on va faire après. Il faut que j'écoute sa chanson. Il faut que je lui dise de se retourner, de pas balancer ses pieds, de pas donner de coup de pied à son frère, de pas en mettre partout.
Il n'y a aucune pause.
Pour se coucher c'est une crise sans nom, depuis qu'il est né. Tous les soirs, toutes les siestes. Et ne me dites pas que je n'ai pas la technique, car je n'ai aucun souci avec bébé Koala. C'est juste que le principe même de dormir est insupportable à Potam, et qu'il ne lâche prise que quand vraiment il est trop épuisé pour lutter... (ce qui peut mettre beaucoup de temps...). Et ce, depuis sa naissance. Bébé Koala, parfois râle pour dormir, mais jamais autant. Et s'il pleure ou crie c'est seulement que ce n'est pas le bon moment. Si on reessaie un peu plus tard, il s'endort seul, tranquillement. Parfois quand il est fatigué on le sent tout content d'aller se coucher...
Bref, cette comparaison uniquement pour m'aider à me conforter dans mon idée : ce n'est pas nous qui faisons mal...
Je vais l'emmener chez une pédo-psy, à la rentrée. Pour m'aider, pour l'aider à canaliser ses émotions, pour qu'il voie qu'on s'occupe de lui et qu'on veut l'aider (je le lui dis mais il semble ne pas entendre).
Potam est insaisissable. Il me glisse entre les doigts. Il ne reste jamais une seconde lorsque j'ai quelque chose à lui dire. Je n'arrive pas à lui parler, à part de temps en temps lorsque je reviens après la crise du coucher et qu'il se calme enfin, je lui glisse quelques mots, déguisés. Il est trop pudique pour les écouter directement, alors je les déguise en histoire. C'est encore facile, il suffit de dire "je vais te raconter l'histoire d'un petit garçon qui s'appelait Potam". Et là, ça ressemble à une histoire inventée, mais c'est son histoire, et il m'écoute.
Je suis un peu fatiguée de devoir mettre autant d'énergie dans son éducation. Mais je sais que ça va durer, je sais qu'il va être compliqué à gérer toute son enfance. J'ai cessé de croire qu'il faisait sa crise et qu'un jour viendrait où il serait plus facile. Il va grandir, les problèmes ne seront pas les mêmes, les réponses qu'on lui apportera non plus, notre comportement s'adaptera mais ce sera toujours difficile.
Parfois je me dis qu'au contraire nous sommes peut-être trop sévères. Qu'il lui faut peut-être un cadre plus souple (pourtant on essaie vraiment de trouver le juste milieu, assez souple pour que sa personnalité puisse s'épanouir, pas trop pour laisser des règles strictes pour les choses importantes). Parfois je trouve LeTigre trop à cheval sur des choses vraiment pas graves (à gronder fort lorsqu'il refuse de mettre des chaussures pour aller dehors. Moi là-dessus, je laisse faire, j'avoue. Marre de me battre sur tous les plans, je préfère choisir les combats plus importants !). Mais à part ça, je pense qu'on essaie de ne pas brider sa personnalité.
Le plus possible, j'écoute ses milliards de questions et je réponds. Je lui montre comment fonctionnent les choses. J'essaie de l'apaiser avec des câlins, des mots doux, lorsqu'il n'est pas encore en crise mais que je sens que ça va déraper.
Voilà, chaque jour ça recommence, je me demande ce que je fais mal, ce que je devrais faire autrement, et au final, je fais comme je peux, en fonction de mes capacités du jour, et sans surprise je suis une bien meilleure maman quand je suis bien dans mes baskets, reposée, de bonne humeur...
Il faut vraiment être solide pour éduquer des enfants quand même...
Si vous avez des enfants extrêmes aussi, et des petites astuces à partager, je suis preneuse ! un de ces jours je ferai une liste des petites choses qui marchent bien avec Potam...