Du renoncement...
Un jour, on a des certitudes.
On aime. On se dit "pour la vie" même si on a appris à relativiser cette belle idée, on a envie d'y croire. On se dit "peut-être que je me suis trompée la première fois, ça ne veut pas dire que l'amour pour toute la vie, ça n'existe pas".
On commence une histoire, c'est tout nouveau, on est raide amoureux, on a envie de l'autre chaque minute, on ne peut pas se quitter un instant, on a envie de lui écrire un texto quand on se sépare 10 minutes pour aller acheter le pain, notre cerveau est entièrement occupé par une seule personne, par cette folie, cette passion, cet aimant du corps et de l'esprit.
On se colle toute la journée l'un contre l'autre, on savoure chaque geste, chaque caresse. Chaque contact donne des frissons de plaisir, ce contact encore un peu inconnu, cette peau qu'on découvre, cette odeur qui ennivre, ces yeux dans lesquels on voudrait se perdre.
Alors on perd un peu la tête, et c'est si bon. On promet, on imagine que ça va durer toute la vie, c'est sûr, on s'entend si bien.
Puis, la relation dure. On fait des projets. Avancer ensemble semble une évidence. On s'entend, on s'aime, on part en WE, en vacances, on s'engueule parfois juste pour mieux se réconcilier.
Et puis, le temps passe. On s'aime toujours, on est toujours bien ensemble, on fait toujours des projets, l'évidence est toujours là, mais on s'habitue.
On n'a plus ce frisson du contact, on fait parfois l'amour par habitude même si c'est toujours bon. On regarde l'heure et on se dit que ce soir on est trop crevée et qu'on verra demain ou un autre jour. On a même parfois la flemme. Un peu envie, mais pas trop l'énergie de faire l'effort. Alors on remet à un autre soir. En soi bien sûr, ce n'est pas grave. Il n'y a aucune obligation.
Et un jour, les certitudes s'écroulent.
On supporte ses petits défauts, on critique sa mère, on est agacée pour des bêtises, on fait de petits reproches. Ces petites choses qu'on aimait, deviennent des manies insupportables. Il n'allume plus la radio pour couvrir les bruits quand il va aux toilettes. On fait pipi devant lui en continuant à discuter. On s'aime toujours, on a toujours envie de faire des projets ensemble, mais la magie du début n'est plus là.
Alors, parfois, on se pose la question. Combien de temps ? Vais-je supporter toute la vie la même personne ? Pourquoi ne pourrait-on pas être heureux avec quelqu'un d'autre ?
Et puis un jour, un regard, un partage, une discussion avec quelqu'un d'autre, qui ouvre une brèche. Une toute petite brèche au début. Ce n'est rien, c'est un jeu. Il n'y a pas de conséquence. On s'amuse, on plaît, on est séduit et c'est bien agréable.
Une brèche qui peut s'élargir et nous aspirer, ou rester une petite brèche, qui en se refermant renforce nos certitudes. Laisse une toute petite cicatrice à peine visible, juste pour ne pas oublier.
Il ne faut pas grand chose pour que tout bascule.
Il faut rester très attentif, et être toujours conscient des conséquences de ses actes. Tant qu'il n'y a pas d'acte, pas de conséquences. Les pensées, les rêves, sont là mais ce n'est pas un problème. On s'imagine dans ses bras, on s'invente un petit scénario plausible où il nous rejoint, une nuit de folie dans une chambre d'hôtel. On ne veut pas une nouvelle histoire, on a juste envie de ressentir à nouveau ce frisson du début. Vivre une aventure, une passion éphémère et retrouver sa vie ensuite. Mais ça, ce n'est pas possible. Les aventures et passions laissent des traces indélébiles. Elles laissent des portes grandes ouvertes où tout est possible. Elles donnent un aperçu de quelque chose qu'on a petit à petit envie de vivre, envie de connaître, envie de tester.
Elles entraînent mensonge, culpabilité et parfois bien plus que ça.
On sait qu'il suffit de peu pour passer du rêve à la réalité. Il suffit de quelques mots, d'une suggestion, il suffit de faire comprendre que quelque chose est possible. Le reste est facile. Un mensonge, un dîner et puis une nuit. On se dit que ce sera tout et qu'on refermera la parenthèse juste après. Mais non. La parenthèse ne se referme pas si vite, surtout si le courant passe bien. On veut plus, et on se dit qu'une nuit de plus ne changera rien. Mais ça change tout.
Alors, il faut lutter. Se dire que concrétiser cette envie de ressentir, cette envie d'être pleinement vivant, de se laisser embarquer dans la folie aura des conséquences bien trop importantes. Et les laisser être des rêves qui enrichissent l'inconscient.
Je suis une fille impulsive et audacieuse. J'aime prendre des risques, j'aime vivre des choses un peu dangereuses, j'aime l'aventure, j'aime la passion, j'aime les tempêtes, j'aime l'esthétisme. J'aime que ma vie ressemble à un livre que je pourrais écrire ou à un film que j'aimerais regarder. J'aime avoir le coeur qui bat vite et fort, j'aime attendre impatiemment un regard, un échange, un mail, un coup de téléphone. J'en veux toujours plus. Je voudrais plonger à fond dans chaque chose que je vis. Je voudrais avoir plusieurs vies pour pouvoir vivre toutes mes passions sans rien abîmer, sans devoir renoncer.
Dans chaque choix, il y a une chose à laquelle on renonce. Je sais que je ne peux pas tout avoir, tout vivre. Je fais des choix mais j'ai du mal à les assumer, je trouve ça tellement difficile. Et pourtant il le faut, sinon on n'a rien à la sortie. On ne peut pas tout commencer et ne rien vivre complètement. On ne peut pas avoir seulement ce qui est beau dans la rencontre et ne pas vivre la suite. Si c'est si beau au début, on n'a plus jamais envie de se quitter. Donc on transforme une passion éphémère en liaison, puis en vie commune. C'est la suite logique. On ne peut pas vivre que des débuts.
Je suis frustrée par la vie. J'adore la vie, j'adore chaque chose que je partage avec les personnes que j'aime, j'ai la chance de savoir profiter de chaque instant de bonheur, de toutes les belles choses qui se présentent à moi, même les plus insignifiantes aux yeux des autres. Mais du coup, les choses auxquelles je dois renoncer par raison me manquent. J'ai toujours eu envie d'écouter mon coeur, et le fais lorsque c'est possible. Mais dans certaines circonstances, écouter son coeur a des conséquences qu'il faut peser longuement avant. Des conséquences dont on ne veut pas. Alors on écoute sa raison, mais ça fait mal. C'est presque physiquement douloureux.