Attachement et détachement
Ce soir j'ai pleuré en regardant mon bébé endormi au sein, la bouche encore tout contre le mamelon.
Je l'ai laissé longtemps comme ça, et je l'ai regardé.
J'ai essayé de retenir ce moment, comme tous ceux que je passe avec lui. De l'imprimer très fort dans ma mémoire émotionnelle. De ne jamais oublier le bien-être absolu qui me submerge, ce bonheur immense qui fait couler les larmes.
L'intuition que je vis les plus beaux moments de mon existence.
Parfois j'ai ce sentiment de crainte devant le détachement inéluctable.
Il fait de moins en moins partie de moi. Je le sais, je le sens, il prend son autonomie tout doucement. Son caractère s'affirme, ses préférences aussi, il aime jouer plus qu'être câliné, il éclate de rire lorsque son papa lui parle, il hurle dans mes bras lorsque, le soir, fatigué, il préfère que je le dépose dans son lit...
Il grandit. Déjà. Si petit, si fragile, et pourtant, je sens que notre attachement est différent.
Les premières semaines, j'avais cette sensation qu'il faisait réellement partie de moi. Je ne pouvais pas m'éloigner une heure sans me sentir amputée, je le portais tout le temps, il dormait sur moi des heures par jour, et la nuit je m'endormais en le sentant presque dans mes bras (alors qu'il était dans sa chambre !), et me réveillais avec l'impression qu'il avait passé la nuit avec moi. Lorsque je me réveillais, il me fallait faire un effort pour ne pas paniquer et le chercher partout dans mon lit : il était dans le sien... et j'avais passé toute la nuit avec cette douce sensation de son corps contre moi, de mes bras autour de lui.
Aujourd'hui je n'ai plus cette sensation. Je cherche parfois à la retrouver, comme on cherche certains matins à continuer un rêve qu'on vient d'interrompre en se réveillant. Je pense à lui lorsque je m'endors et lorsque je me réveille, je rêve chaque nuit ou presque de lui, mais ce n'est plus pareil. C'est un autre. Il est LUI, je suis MOI, chacun dans une pièce, chacun dans son lit, chacun dans ses rêves.
Il me faut apprendre à lui laisser son individualité. L'aider à grandir, à apprendre, à aimer, à se connaître et à s'aimer sans l'étouffer.
Ca me paraissait tellement évident avant, ça me paraît tellement difficile aujourd'hui.
Tout à l'heure je l'ai pris tout contre moi, il était tout nu juste avant son bain, et je me suis vue dans le miroir. Cette femme avec ce magnifique petit bébé, c'était moi.
Ca me paraît parfois tellement naturel, tellement normal, tellement évident, que j'oublie parfois que j'ai eu si peur de ne jamais vivre tout ça.
Et quand je m'en rends compte, quand j'arrive à capter les petites particules de bonheur, je voudrais figer le temps pour toujours...