Mon cerveau et moi, histoire d'une lutte acharnée
A une période pas si lointaine, je me posais des milliers de questions existentielles, tout le temps. Je doutais de tout, tout le temps, je remettais tout en question, tout et surtout moi-même. Je n'avais pas confiance en moi, je faisais de grosses crises d'angoisse, des crises de larmes, parfois de désespoir si profond que j'avais des pulsions suicidaires. Bon je n'ai jamais pensé vraiment sérieusement à mettre fin à mes jours, mais ça me traversait l'esprit comme une éventualité plutôt tentante. C'est fou, maintenant que j'y repense.
Un truc encore plus fou, c'est que je n'étais pas du tout partie pour écrire ça, et c'est sorti comme ça, au fil des mots. Ca doit servir à ça en fait, d'aller voir un psy. Bref. Parenthèse refermée.
Donc oui, il y a a peine quelques années de ça, j'étais mal dans ma peau, mais aussi je passais ma vie entière à me poser des questions, à tout évaluer, à tout remettre, toujours, en question.
Et aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Je ne cogite plus. Je ne remets plus en question, ou alors en tout cas ça ne me traumatise plus. Je ne fais plus de crise d'angoisse, je n'ai plus de pulsions suicidaires, parfois de petits moments de blues mais ça passe assez vite.
A peu près au même moment, j'ai changé de vie. Changé de mec d'abord. J'ai fait exploser mon mariage dans un grand feu d'artifice, j'ai fait en même temps un pied de nez à tous les gens qui pensaient que j'étais une gentille fille bien comme il faut, j'ai quitté mon mari pour un autre, et aujourd'hui j'ai une vie plutôt apaisante avec mon homme, V. J'ai changé de boulot, aussi, un an plus tard. J'ai réussi un concours et changé de région.
Et aujourd'hui, je me sens très zen pour tout. Et au lieu de me réjouir, ce constat me fait peur. J'ai l'impression d'avoir perdu de l'ambition, du rêve, une certaine part de folie. J'accepte ma vie telle qu'elle est, j'accepte mon corps, j'accepte mon caractère, j'accepte les choses qui m'arrivent avec philosophie, tout le temps. C'est dingue. Est-ce qu'il y aurait une mauvaise raison, une raison cachée à tout ça ? Ou alors est-ce que je dois me dire que c'est bien, que je grandis, que j'apprends à relativiser ?
J'ai l'impression que tout me passe au-dessus, et qu'en plus je m'en fous.
Parfois je pense à mon couple, je me dis que je ne sais pas si c'est le bon, je doute parfois d'arriver à être bien toute la vie avec lui. Avant cette question m'aurait empêchée de dormir pendant des semaines, et aujourd'hui je la chasse aussi vite qu'elle est venue. Je n'ai plus envie de me poser de question. Je vis très bien comme ça, pour l'instant je suis bien et je n'ai pas envie de me demander ce qu'il adviendra plus tard. Je vis dans l'instant présent. C'est bien non ? Je crois que c'est plutôt une bonne chose, mais je n'en suis pas certaine. Je ne peux m'empêcher de me dire que se remettre en question, c'est peut-être mieux. Qu'il y a peut-être quelque chose de cassé en moi. Je ne cherche plus la perfection comme avant. Je me contente de ce que j'ai. Est-ce que c'est triste ? Est-ce que c'est mieux ? Qui peut répondre à cette question ?
Quelque chose de cassé, oui, comme si je ne voulais plus croire en rien, comme si j'avais mis un rideau énorme, opaque, devant mes émotions pour les refouler, les cacher, les enfouir et être bien, simplement. Et ça marche super bien ! c'est super pratique ! dès que je me sens un peu mal, ça ne dure pas parce que quelque chose en moi me dit "ce n'est rien, dans quelques heures ce sera passé, tout va bien", et hop, j'arrête de paniquer. Je retrouve mon calme. Je dors une bonne nuit et tout rentre dans l'ordre. Les événements se succèdent sans que j'ai l'impression que ça m'affecte.
Comme si l'introspection exagérée que je faisais avant n'apportait que du malheur. Avant, je partageais beaucoup mes émotions, mes pensées. Aujourd'hui, beaucoup moins. Du moins pas sur l'instant. Je suis capable de revenir sur une émotion passée et de l'expliquer, mais sur le moment je ne peux pas parler. Avant j'avais un homme qui faisait semblant de m'écouter mais qui n'entendait rien, et je parlais beaucoup. Aujourd'hui j'ai un homme sensible qui sent que je vais mal avant que j'aie dit le moindre mot. C'est sûrement lié. J'ai plus de mal à lui parler parce que les mots ont plus de conséquence et plus de poids avec lui. Alors je les choisis soigneusement et j'essaie de ne pas lui faire de mal. De ne pas lui faire partager des pensées négatives, des angoisses. Mais du coup, je les refoule et je n'y pense pas moi-même.
Est-ce que c'est gênant ? Pour l'instant je trouve qu'au contraire, ça m'aide à penser à autre chose, et à aller mieux.
Mais en me persuadant que tout va toujours bien, est-ce que je suis réellement heureuse ? Moi je crois que oui, mais j'ai un peu peur que ça ne soit que repoussé, que les émotions refassent surface, un jour, toutes en même temps et dans n'importe quel ordre.
En fait, je réagis comme ça depuis que j'ai quitté mon ex. La rupture a été si douloureuse que je me suis blindée consciemment. J'ai refoulé toutes mes émotions, je me suis arrêtée de penser. Je croyais que ce serait provisoire, mais aujourd'hui, je ne sais plus faire autrement. Sur le moment j'ai été surprise d'avoir pu l'oublier si vite, de m'être remise de cette rutpure si vite, et je me suis dit que ça referait surface, un jour. Sans que j'y sois préparée. Mais ça fait 3 ans et toujours rien. Je l'ai réellement oublié. Totalement. Je n'ai aucun regret, presqu'aucun souvenir de ce qu'on a partagé, j'ai tout effacé si facilement. J'ai tout mis de côté. Mes rêves de gamine, le prince charmant, l'amour pour la vie, la recherche de l'idéal esthétique. Je suis devenue lisse. Mes envies, mes rêves, sont devenus lisses.
Et en même temps, je me sens bien comme ça...